Thérapie et maladie

 

Préambule avant d’expliciter le concept thérapie / maladie ici développé :

On ne devient pas « psy » par hasard et le psychothérapeute choisit cette voie en fonction de son histoire et de sa propre expérience de vie. C’est sur cette marche qu’il appuie sa pratique et qu’il se propose d’aider l’autre. Pour ce qui concerne la maladie, il suffit de savoir que le choix d’accueillir et d’accompagner des personnes qui rencontrent la maladie, s’ancre dans la vie du thérapeute non comme un élément extérieur et théorique mais comme la conséquence d’une confrontation vécue de l’intérieur.
Pourquoi une approche spécifique de la maladie ? En premier lieu parce que tout le monde chez les « psy… » ne peut entendre ou prendre en charge un homme ou une femme affecté(e) par la maladie.
La plainte du corps, la souffrance réelle n’est pas réduite à une affection de l’âme (une psychosomatisation) ou d’un organe mais bien d’une atteinte de l’ensemble de la personne et c’est cela qu’il s’agit de prendre en compte dans le cadre d’un accompagnement quel qu’en soit le verdict vital posé par le monde médical. Le corps affecté, les mécanismes de défense sont naturellement sollicités pour contenir la peur, la panique, la souffrance morale de cette agression vécue injuste, impossible, une confrontation avec l’idée de sa propre mort.
Lorsque l’on reçoit quelqu’un en thérapie, cette personne arrive, dans la plupart des cas, avec une problématique, un questionnement. Or, une partie du travail de thérapeute consiste à entendre la demande « non dite » derrière la demande « exprimée ». Il en est de même quand le consultant vient pour un problème de maladie. Que met-il dans cette maladie ? Et que met le thérapeute aussi dans cette maladie ? Qu’en font ils l’un et l’autre ?
Partons du cancer. Beaucoup de gens atteints de cette maladie se posent ces questions : « Pourquoi moi ? Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ? ». Ce sont des questions entendues fréquemment. Des questions qui appellent des émotions : culpabilité (qu’ai-je fait, que n’ai-je pas fait ?) de la colère, du déni (ce n’est pas possible), « qu’ai-je fait pour mériter ça ? » : c’est un bon début pour entamer un travail de recherche sur soi.
En effet, ces phrases laissent entendre que le cancer serait une punition, une injuste punition. Soit, essayons cette direction et posons nous la question suivante : Pourquoi vient à l’esprit le mot « mériter », ce mot qui a pour première définition dans plusieurs dictionnaires « être digne de » ? Si on prend la peine de décortiquer juste un peu cette phrase, cela voudrait-il donc dire que « je suis digne d’avoir un cancer » ? Bizarre. Bizarre et dérangeant. Et, forcément, vu comme ça, cela change la donne et prête à réfléchir sur cette phrase si souvent prononcée. C’est donc un début de piste qui nous dirige vers un paradoxe. Le paradoxe est le compagnon du travail thérapeutique, il se retrouve presque dans chaque nouveau mot prononcé, chaque phrase, chaque sujet abordé.
En restant dans le paradoxe, on peut aussi réfléchir aux bénéfices secondaires liés à la maladie. Bien sûr, annoncé de cette façon, cela semble agressif et peut être difficile à entendre. Mais, si l’on fait l’effort d’y réfléchir, finalement, on trouve des avantages à être malade.
Le corps médical prend en charge la personne atteinte et, souvent, l’infantilise pour mieux la guérir. Le patient est ainsi dépossédé d’une partie de son affection. L’urgence est de s’attaquer de manière chirurgicale et médicale à la tumeur, à ce cancer dont il faut se débarrasser à tout prix, alors, ceci posé, quelle serait l’utilité d’un travail thérapeutique ? Pourquoi, en plus de souffrir, de supporter des ablations, des amputations, des traitements agressifs, de vomir, de perdre ses cheveux, de vieillir de 20 ans en 6 mois, pourquoi devrait-on, en plus, se faire subir une torture supplémentaire en recherchant dans sa psyché l’éventuelle origine de ce  cancer ?
Pour aider à la guérison, peut-être. Non à l’encontre, mais, au contraire, à l’unisson du corps médical. Le travail thérapeutique est bâti sur ces mises en lien. Il vise à unifier le corps et la psyché par une voie qui, s’accommodant de la tentation de la mort, s’oriente vers un chemin de vie.